La présence à soi procure une tonne d’atouts pour apprécier la vie comme pour braver les tempêtes. Dans un article sur l’intelligence émotionnelle, j’avais établi la distinction entre l’information provenant de nos sens et celle issue de nos perceptions. Les sentiments sont aussi une source d’information fondamentale quant à notre aptitude à être heureux. Nos sentiments révèlent notre degré de confort face à une situation. Ils fournissent également une explication concernant nos réactions. Ainsi, plus on a une pleine conscience de nos sentiments, plus on développe son intelligence émotionnelle. L’intelligence émotionnelle étant à la base de la maîtrise de soi, s’en intéresser, c’est accroître la qualité de sa vie et de ses relations interpersonnelles.
La présence à soi et la capacité à ressentir ses sentiments
Les sentiments sont des pensées ou perceptions contenues dans les cartes corporelles du cerveau. Ces cartes renvoient à des parties du corps et à des états du corps. Pour avoir des sentiments, il faut une conscience. La mouche ne peut avoir de sentiments car elle est dépourvue de conscience. Ce qui est intéressant, c’est que la machinerie du sentiment contribue elle-même aux processus de la conscience, à la création du soi, sans lequel on ne peut rien connaître. Et c’est d’ailleurs ce qui en fait un élément fondamental en intelligence émotionnelle. En tant que produits de nos émotions, les sentiments sont révélateurs à la fois de notre faiblesse et de notre grandeur, dépendamment de ce qu’on en fait. Plusieurs exemples concrets de présence à soi sont présentés dans mon livre : La joie malgré tout.
Les émotions précèdent les sentiments et sont le fruit de notre évolution au plan humain. Elles sont formées à partir de réactions simples, conçues pour assurer la survie de notre organisme. Si on les réprime, on se prive d’un grand potentiel de vie. L’essence du processus émotionnel est contenue dans une petite mouche dépourvue de cerveau: évitement, fuite ou affrontement. Les émotions nous rendent aptes à réagir. Ce sont des automatismes. Ainsi, plus vous êtes présents à votre contenu émotionnel, plus vous développez votre aptitude à ressentir vos sentiments. Si de nos jours de nombreuses personnes sont déconnectées d’elles-mêmes, c’est qu’elles n’ont aucune présence à soi. Qui a le goût de vivre comme une mouche?
Développer mon intelligence émotionnelle, ça m'intéresse !
Le pouvoir des sentiments
Il est plus facile d’expliquer les sentiments à l’aide de la visualisation. C’est pourquoi les coachs l’utilisent fréquemment pour mieux aider leurs clients à devenir plus conscient de leurs contenus inconscients. Alors, imaginez vous retrouver un instant, au cœur d’un beau matin d’été. Vous êtes assis sur le quai d’un lac en train de déguster un café. L’odeur fraîche du lac emplit vos narines. Tout est merveilleusement. Vous entendez quelque part au loin, le cri d’un oiseau, un bruissement de feuilles d’arbres, puis une légère brise estivale souffle sur votre visage. Rien ne vient vous contrarier, vous vous sentez merveilleusement bien. Le mental est en mode « déconnecté ». La machinerie de votre organisme fonctionne doucement, sans stress, sans douleur, une vraie perfection. Vous avez de l’énergie pour bouger, mais vous préférez rester tranquille et vous délecter du moment.
Le contenu de votre esprit évoque en cet instant précis, des thèmes qui réfèrent à l’émotion que vous éprouvez. Six mois plus tard, vous rappelez à votre esprit ce matin délectable au bord du lac. Et c’est un peu comme si vous y étiez à nouveau. Les odeurs, les couleurs, le bruissement des arbres, les sensations, tout est réactualisé à votre esprit, grâce à vos sentiments. Comment ne pas s’émerveiller de posséder en soi une telle boîte à magie? Or, la visualisation est impossible sans réelle présence à soi. Les comportements émotionnellement intelligents sont impossibles eux aussi, sans présence à soi. Inutile de justifier longuement les mérites d’apprendre à miser sur une meilleure présence à soi.
L’ignorance de ses sentiments
Vous avez une altercation avec un collègue de travail. Ce dernier a oublié de vous fournir une information importante pour boucler votre fin de mois. Ce n’est pas la première fois que cela se produit. Plusieurs fois vous avez compensé son manque de rigueur. En arrivant chez vous le soir, votre voisin vient à votre rencontre pour vous demander de lui prêter un outil de jardin. Vous lui répondez brusquement en disant que vous n’êtes pas certain d’avoir ce qu’il lui faut. Puis, vous ajoutez que vous n’avez pas le temps de voir à ça ce soir, et vous entrez chez vous. Évidemment, vous semblez en colère, très peu réceptif, ni serviable.
Si vous prenez un instant pour contacter ce que vous vivez intérieurement, vous ferez le lien entre votre frustration et votre collègue de travail. Votre voisin a épongé une partie de votre colère alors que vous n’aviez absolument rien contre lui. Un comportement guidé par une plein présence à soi n’aurait certes pas pris de telles proportions.
Les préalables à un comportement de pleine présence
Pour accéder à un comportement émotionnellement intelligent, il faut d’abord que vous soyez apte à reconnaître les sentiments qui vous habitent (colère, tristesse, déception, etc.). En pleine conscience, vous vous arrêtez un seul instant pour nommer l’émotion. Si vous le faites avec le plus de précision possible, vous aurez fait un pas de géant en faveur de votre intelligence émotionnelle. Ce moment de recul vous aura aussi permis de vous détacher de la situation pour faire naître en vous un allié. Il s’agit de l’observateur impartial, le seul apte à travailler avec vous et non contre vous.
Notre nature duelle nous présente donc des défis d’évolution. Et c’est en devenant de plus en plus conscient de notre fonctionnement que nous pouvons transformer notre façon d’agir et de nous donner du pouvoir sur notre réalité. Dans mon livre La joie malgré tout, une technique est présentée quant à la façon de rester connecté à soi dans les moments difficiles.
Développer une pleine présence à soi
Bien que nous ayons l’impression de vivre nos sentiments de l’intérieur, ceux-ci se manifestent par des signes extérieurs. Par exemple, vous discutez avec une personne dont les intentions ne semblent pas sincères. En prenant une lecture de votre corps, vous ressentez votre ventre tendu, votre respiration légèrement obstruée. De l’extérieur, vos deux bras sont croisés et votre mâchoire est crispée. Vos signaux non verbaux ont fort probablement été enregistrés par votre interlocuteur. Au moment où il vous parle, ce dernier sait très bien que vous n’êtes pas à l’aise en sa compagnie.
Avec une pleine présence à soi, du moment où vous devenez conscient de vos sentiments et des signes extérieurs qui les accompagnent, vous pouvez agir sur ces messages en modifiant votre position. Ainsi, plutôt que de vous placer à la défensive en contractant inutilement diverses parties de votre corps, vous pourriez questionner directement la personne sur vos perceptions afin de clarifier la situation. Vous vous sentirez alors en bien meilleure position pour décider de la suite de cette rencontre.
Repérer les signaux extérieurs grâce à la présence à soi
Vous tapotez votre crayon sur le bureau de façon automatique. Souvent, vous serrez fortement le bras de votre chaise alors que vous parlez à quelqu’un. Assis devant l’ordinateur, vous balancez la tête sans raison pendant que vous lisez un power point. Votre mâchoire est serrée lorsque vous travaillez sur tel projet en particulier. Ces signaux révèlent la présence probable d’anxiété. Cette prise de conscience vous permet alors de relâcher les muscles inutilement sollicités et d’identifier les possibles sources de stress afin d’y remédier.
Un autre jour, vous traversez le corridor du bureau et vous remarquez vos traits faciaux détendus, vous souriez. Votre respiration est dégagée, vous vous sentez léger. Il ne se passe rien de particulier, vous êtes simplement détendu, heureux. Vous prenez le temps d’apprécier ce moment en toute conscience, ce qui permet un moment de forte complicité avec vous-même et un ressourcement sans égal. La présence à soi : l’alliée du bien-être personnel.
Développer une meilleure présence à soi, ça m'intéresse !
Certaines informations permettant de distinguer les émotions des sentiments ont été puisées aux ouvrages L’erreur de Descartes: rôle de l’émotion et du sentiment dans la prise de décision et Spinoza avait raison de Antonio Damasio, professeur de neurosciences et psychologie.